Publié le Mercredi 1 mai 2024 à 09h00.

La course aux métaux : écologiquement irresponsable

Les besoins en métaux de tous les secteurs industriels sont immenses. Le contrôle de leur production est devenu un enjeu géopolitique. L’exploitation minière devient un impératif d’intérêt public majeur. 

 

Le capitalisme avait su rendre l’activité minière invisible en délocalisant la plupart des mines. Aujourd’hui, la relance minière (dans les anciennes mines) et l’industrialisation de nouveaux territoires remettent sur le devant de la scène leurs effets destructeurs.

L’extraction et la transformation de ressources naturelles — combustibles fossiles, métaux, biomasse, sable —contribuent à la triple crise de la nature, de la pollution et des déchets. Les impacts (au Sud) et les usages (au Nord) sont profondément inégalitaires.

La fuite en avant au nom de la transition

Mais groupes miniers et gouvernements ont écrit un nouveau récit justifiant cette ruée extractiviste ample et brutale. Réussir la « transition énergétique » nécessiterait une électrification complète de la société (voitures, batteries, éoliennes, panneaux photovoltaïques, des milliers de kilomètres de câbles) et une numérisation généralisée, baptisée « dématérialisation » : 5G, bientôt 6G, objets connectés (14 milliards vendus en 2022), smartphones (7 milliards d’humains en possèdent et les renouvellent tous les deux ans), développement irraisonné de l’­« ­intelligence artificielle ». 

Cette fuite en avant nécessite de gigantesques quantités de métaux (60 métaux rares dans un smartphone, 70 kg de matières nécessaires sur toute la vie de l’objet), la fabrication de « puces » (consommant et polluant plus de 200 litres d’eau par seconde), la circulation et le stockage des données dans des data centers (mobilisant eau et ­électricité pour les refroidir).

Les mines au secours du climat ?

« Des mines pour sauver la planète » est devenu le slogan d’une gigantesque opération de greenwashing ! Ce qui est en jeu, c’est la poursuite de la croissance de tous les secteurs industriels (aéronautique, armement, construction, transport, agrobusiness…). Leur prétendue « transition énergétique » devient le paravent qui masque la poursuite de la croissance capitaliste à tout prix !

Pour Célia Izoard qui vient de publier La ruée minière au XXIe siècle1, « la mine est l’épicentre de l’accumulation par dépossession ». Les mines géantes dévorent à grande vitesse l’eau, l’air, la terre, la faune et la flore. « Pour les entreprises du secteur, les conflits environnementaux sont le principal facteur de risque de l’activité minière, bien loin devant la gestion de la main-d’œuvre ou les coûts de production ».

Pas de mines responsables

Symbole du capitalisme extractiviste et colonial, l’activité minière est aujourd’hui le lieu d’une opération de mystification. L’ouverture de mines en Europe ne ralentira pas le développement de mines ailleurs.

De « meilleures » normes environnementales n’empêcheront ni les lacs de résidus miniers, ni la pollution ou la contamination des eaux, ni les sécheresses ou les atteintes à la biodiversité. Il n’y aura pas de mines durables et responsables.

Électrifier le système énergétique mondial, numériser nos vies ne supprimera pas les émissions de carbone, au contraire. Réduire notre dépendance aux métaux est aussi indispensable ­qu’abandonner les énergies fossiles. 

« On ne peut miser sur les énergies renouvelables qu’en réduisant drastiquement la production et la consommation. Et cela nécessite des bouleversements majeurs que les élites du capitalisme mondialisé refusent de faire. »

  • 1. Célia Izoard, La ruée minière au XXIe siècle, Enquête sur les métaux à l’ère de la transition, Éditions du Seuil, 2024.