Publié le Mercredi 1 mai 2024 à 12h07.

RDC : les minerais de la honte

Il y a cent cinquante ans, le Congo belge, maintenant République démocratique du Congo (RDC), accompagnait l’essor industriel de l’Europe et des USA en fournissant des milliers de tonnes de caoutchouc nécessaires à la fabrication des pneus, des courroies et tuyaux flexibles.

 

Aujourd’hui ce sont le cuivre, le cobalt, l’étain, le cadmium, le niobium et bien d’autres minerais rares indispensables à la fabrication des batteries et au secteur industriel de haute technologie.

Conditions de travail périlleuses

Un siècle et demi plus tard, l’exploitation éhontée des populations est restée identique. Certes, les punitions corporelles comme les amputations des mains des travailleurEs ou de leurs enfants pour manque de rendement n’est plus de mise mais les conditions de travail restent terrifiantes dans les mines artisanales qui représentent pour le coltan 90 % de la ­production de la RDC. Les puits de mine peuvent atteindre 100 mètres de profondeur et deviennent, lors des saisons des pluies, de véritables pièges mortels par noyade ou ensevelissement si les bâches protégeant les cavités se déchirent sous le poids de l’eau. Pour les mineurs, appelés aussi creuseurs, pour les femmes qui lavent les minerais de cobalt, la présence de métaux lourds dans leur sang est avérée, entraînant des dommages oxydatifs de l’ADN, des fausses couches ou des malformations des fœtus. Le travail des enfants reste monnaie courante. La plupart des mines artisanales sont sous le contrôle de milices armées ou des militaires congolais. Dans les deux cas ils imposent aux populations un travail forcé.

Économie de guerre

L’extraction des minerais est un enjeu économique qui explique la pérennité des conflits. En 2000, le kilo de tantale se vendait 22 dollars US aujourd’hui il s’échange à plus de 400 dollars, le niobium à plus de 1 000 dollars. Les milices armées utilisent ces sources de financement pour leur guerre. Le Rwanda qui soutient un de ces groupes, le M23, profite de la situation pour accaparer une partie de la production de la RDC engendrant plus d’un milliard de dollars de recettes en 2023. Les grandes entreprises occidentales certifient à grands coups de label la non-­utilisation de ces « minerais de sang ». Impossible à garantir ! 

Si les mines industrielles et artisanales ont chacune en théorie des circuits distincts, le nombre important d’intermédiaires, acheteurs au détail, négociants en gros, courtiers, transporteurs, opacifie la chaîne d’approvisionnement, ce qui autorise le mélange de la production des deux circuits. D’autant que les minerais issus de l’industrie artisanale sont recherchés pour leur forte teneur en métaux car, faute d’instrument de mesure, les creuseurs les trient à l’œil nu.

Larmes de crocodiles

Officiellement il y a un consensus pour dénoncer les conditions de travail des mineurs artisanaux. Chacun y va de son couplet, que ce soient les dirigeants africains ou ceux de l’industrie électronique. Pourtant rien n’est fait alors que deux mesures pourraient être prises.

La première est d’arrêter la répression contre les mineurs artisanaux qui tentent de s’organiser en coopérative et d’améliorer ainsi leurs conditions de vie et de ­rémunération. 

La seconde est la mise en place — par les multinationales d’industries de première transformation des minerais créant une valeur ajoutée pour la RDC — de mesures de protection des travailleurEs et de l’environnement.